ÉDITORIAL

Haïti : Crises et Opportunités

Au cours des dernières années, l’effondrement de l’Etat haïtien s’est accéléré à un rythme vertigineux.

Toutes les hautes instances des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ont été banalisées et vandalisées. La Présidence, la Primature, le Sénat de la République, la Chambre des députés et la Cour de Cassation, entre autres, ont été anéanties, extirpées de la conscience collective dans leur dimension de métronome à la démocratie et l’état de droit. L’Etat est trivialisé.

Ce processus remonte à plusieurs décennies et confirme un échec collectif. L’Etat démoli, étant un instrument dangereux, traduit la déchéance d’un projet social commun à travers lequel, les forces publiques sont incapables de garantir les droits de la population et gérer le territoire. L’Etat haïtien en est à cette phase de destruction qui résulte des multiples choix des élites et des masses populaires, préférant le populisme, l’incompétence, la malhonnêteté, la corruption, la facilité et la satisfaction immédiate. En conséquence, le climat haïtien est dégradé.

1) Climat économique dégradé

Comme le bulletin scolaire indique la performance et la progression académique d’un élève, Haïti accuse un résultat économique chétif, faible. La taille et la croissance de l’économie du pays, le produit intérieur brut (PIB), sont en 2022 inférieures à ce qu’elles étaient de 72 550 HTG en 1945. Le pouvoir d’achat a effondré avec les politiques publiques et les choix économiques poursuivis.

2) Climat politique dégradé

Les luttes pour contrôler et accaparer le pouvoir politique, ont conduit le pays dans une instabilité chronique. Les provisions constitutionnelles et légales, portant échéances et contenus des mandats du personnel politique élu sont bafouées, galvaudées.

Dès lors se lance une course effrénée à la colonisation des institutions politiques et financières:

– Les ministères des gouvernements sont convertis en monnaie de change voire en filiale d’entreprises des acteurs de l’ombre;

– Le CEP perd son indépendance et sa crédibilité;

– Des institutions de la trempe de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) sont indexées de marionnettisation;

– La DGI, l’AGD, l’ONA, l’OFNAC, l’OAVCT, l’OFATMA sont taxées de servitude.

Le machiavélisme et le cynisme, le sadisme et l’avidité se conjuguent pour offrir un spectacle hideux, sur fond de mauvaise gouvernance et de souveraineté nationale sur mesure.

La construction démocratique, depuis 1987, a accouché un Etat-monstre, budgétivore, anthropophage et autophage.

3) Climat moral en déclin

Détruit par l’appétit gargantuesque de richesses et de plaisirs malsains, la morale publique est en train de dégénérer. Qui craint le scandale! Quelle est la valeur d’un siège au Palais national, au Parlement, dans les tribunaux et cours du pays dans l’imaginaire populaire!

L’opinion publique est intoxiquée et conditionnée de sorte à tolérer, accepter et promouvoir le nivellement par le bas, l’obscurantisme et la consommation de l’insanité. C’est la mode.

4) Climat social dégradant

Au rythme de l’instabilité politique, de l’insécurité, de la paupérisation démesurée et de l’insécurité alimentaire, être haïtien ou être haïtienne est devenu ce fardeau qui inspire rejet et négation de ses origines. La nationalité haïtienne voire le patriotisme, est de moins en moins brandie dans sa grandeur historique et sa plénitude.

Le pays est vécu comme un enfer où le discours dominant se résume à un aller simple. Chacun survie, attend sonnner l’heure de sa libération par un visa, une résidence, un asile politique ou un voyage clandestin. Partir à tout pris.

Le Léviathan est omniprésent.

La crise multidimensionnelle façonnée au fil des années, dans ses dimensions économiques et financières, politiques, sociales et morales, a enfoncé le pays dans un chaos, un état primitif qui invite les élites de tout acabit, à se réinventer, à se doter de pouvoirs pour mettre en œuvre des politiques susceptibles de renverser le processus de de-structuration humaine et institutionnelle qui a vu grandir les générations de 1980, 1990 et de 2000. L’avenir d’Haïti, de ses fils et filles et de ses territoires passera par la capacité à gérer la destruction qui se normalise.

La crise actuelle est une grande opportunité pour Haïti. Il faut en profiter pour redéfinir les politiques et la diplomatie et redonner à l’état haïtien sa dignité et son prestige.

 

 

 

Claudy DONET

_Anthropo-sociologue de formation_

+509 3701-6887

claudydonet@gmail.com

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Lovelie Stanley NUMA

Lovelie Stanley NUMA, Journaliste Écologique et PDG Impulse WebMedias. Coordonnatrice Générale de l'association dénommée "Collectif des Journalistes Haïtiens Engagés pour l'Environnement (CoJHEE). La voix des sans-voix. Le journalisme utile c'est ma passion. Je travaille également pour des médias internationaux.